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CP15/23-0052

Gegrond CP - Lantin Klachtencommissie Voorlopige maatregel Tucht
MESURE PROVISOIRE - DISCIPLINAIRE - SIGNATURE - IMPARTIALITE

Concernant la mesure provisoire, la Commission des plaintes rappelle tout d’abord que la compétence de prendre une mesure provisoire est expressément attribuée à la direction : en cas d'atteinte volontaire grave à la sécurité interne ou si l'instigation ou la conduite d'actions collectives menacent gravement la sécurité au sein de la prison, le directeur peut, dans l'attente de la procédure disciplinaire, prendre des mesures provisoires jusqu'au moment où la décision de sanction disciplinaire est communiquée verbalement au détenu.

La Lettre Collective n° 124 précise à cet égard que : « 2. Seul le directeur peut décider de prendre une mesure provisoire. Toutefois, si la menace n’autorise aucun retard, d’autres membres du personnel peuvent prendre cette décision à charge d’en informer immédiatement la direction, qui prendra alors une décision. Si le directeur qui a décidé qu’il y a lieu de prendre une mesure provisoire n’est pas présent dans l’établissement, le membre du personnel qui a eu le contact avec le directeur remplit et signe en son nom l’annexe 6, en ajoutant la mention « pour le directeur (nom du directeur), absent à la signature » et il signe en précisant son identité et sa qualité. » (la Commission souligne).

En l’espèce, la Commission des plaintes constate que, dans un premier temps, la mesure provisoire du 25 juillet 2023 n’a pas été ni signée ni datée.
En outre, aucune des deux options « atteinte volontaire grave à la sécurité interne » ou « instigation ou la conduite d'actions collectives menaçant gravement la sécurité au sein de la prison » n’a été sélectionnée par le rédacteur de la décision.
La direction reconnait elle-même l’avoir régularisée par la suite, lors de l’audition disciplinaire du 27 juillet 2023.

Or, en l’espèce, aucun nom d’agent ou de directeur n’apparaît à aucun endroit sur la mesure provisoire, au moment où elle a été prise. Dans cette mesure, la décision contestée ne permet pas d’identifier au nom de quel membre de la direction elle a été prise. Pour ce motif, la mesure provisoire n’est pas valablement signée, ce qui suffit à annuler la décision.

La Commission d’appel néerlandophone a également précisé, dans un cas où la décision avait été signée « pour ordre » en indiquant un nom qui n’était pas celui d’un directeur, qu’il ne ressort pas de la décision qu'une notification immédiate a été faite au directeur ni qu'après cette notification, un directeur ait pris la décision d'imposer la mesure provisoire. C’est également le cas en espèce : aucun élément ne permet d’établir qu’une notification a été faite à la direction et que c’est la direction qui a pris la mesure provisoire.

Le fait que la mesure provisoire ait été régularisée par la suite ne suffit pas à valider cette décision. En effet, au moment où la mesure provisoire a été prise, le nom de la direction à l’origine de la décision n’était pas identifiable ni identifié de sorte que la mesure provisoire n’était pas valablement signée.

Concernant la sanction disciplinaire, le conseil du plaignant invoque la violation du principe d’impartialité et des droits de la défense.

En l’espèce, lors de l'audition disciplinaire du 27 juin 2023, le plaignant a d’emblée reconnu avoir été pris en possession de stupéfiants. Toutefois, lorsqu’il a tenté d’exposer les circonstances dans lesquelles ce manquement disciplinaire s'inscrivait, la direction lui aurait coupé la parole à de multiples reprises, en affirmant qu’elle ne le croyait pas. Par ailleurs, la direction aurait annoncé, en cours d’audition, avoir décidé de le sanctionner de 10 jours d’IES, sans avoir pris le temps de délibérer et alors même que le conseil du plaignant n'avait pas terminé d’exposer les moyens de défense de son client. La direction ne conteste pas avoir annoncé la sanction en cours d’audition ni avoir interrompu le plaignant à plusieurs reprises.

Le conseil du plaignant se réfère également à deux arrêts du Conseil d’Etat relatifs au principe d’impartialité.
Dans son arrêt n° 235.937 du 1er octobre 2016, le Conseil d’Etat a rappelé que « Le principe général de droit de l’impartialité requiert que l’autorité administrative offre les apparences de l’impartialité (impartialité objective) et qu'elle soit effectivement impartiale (impartialité subjective). (…) En outre, il ressort du procès-verbal de l’audition disciplinaire du 28 septembre 2016 que le directeur a indiqué au requérant en cours d'audition quelle sanction lui serait imposée, et cela avant que le conseil du requérant ait eu la parole, avant que l’acte attaqué soit adopté et donc avant que la partie adverse examine les arguments de défense du requérant et v réponde. Une telle attitude, qui laisse apparaître clairement l’intention qu’avait la partie adverse d’infliger la sanction attaquée quelle que soit la défense du requérant, ne répond pas aux exigences du principe général de droit et de la disposition invoqués à l’appui du moyen. »

En l’espèce, le procès-verbal de l’audition disciplinaire du 27 juin 2023 ne mentionne pas que la direction aurait indiqué quelle sanction lui serait imposée, le conseil du plaignant affirme cependant que la direction a annoncé, au milieu de l’audition, qu’elle avait décidé d'infliger 10 jours d’IES au plaignant alors que le conseil du plaignant n'avait pas terminé d'exposer les moyens de défense de son client.

La direction ne conteste pas cette allégation dans le cadre de sa défense, ce qui jette un doute sur son impartialité durant l’audition disciplinaire.
En effet, si la direction a adopté une telle attitude, elle a de la sorte laissé entendre qu’elle avait l’intention d’infliger cette sanction, quelle que soit la défense du plaignant. Or, une telle attitude va à l’encontre du principe général de droit de l’impartialité, de l'article 143, § 1er, de la loi de principes et des principes généraux de bonne administration et notamment du devoir de prudence et de minutie.

Pour ces raisons, la plainte est également fondée concernant la sanction disciplinaire.