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CP15/24-0045

Gegrond CP - Lantin Klachtencommissie Tucht
DISCIPLINAIRE

La plaignante ne conteste pas les propos contenus dans le RAD, elle n’a pas souhaité s’en expliquer durant son audition. Dès lors, aucun élément ne permet de remettre en cause la matérialité des faits.
L’argument de l’avocat du plaignant tenant au fait que les insultes reprochées à la plaignante ne reposent que sur un seul RAD, ce qui serait insuffisant à fonder la matérialité des faits, ne peut être retenu en l’espèce, car la plaignante n’a pas contesté avoir tenu de tels propos. En effet, il a déjà été jugé à de nombreuses reprises que « si aucune force probante particulière ne peut être légalement reconnue à un rapport disciplinaire contredit par les allégations d’un détenu, ce rapport disciplinaire peut néanmoins participer du faisceau de présomptions nécessaire pour déclarer l’infraction établie s’il est corroboré par d’autres éléments matériels visés par la décision disciplinaire, ce qui est le cas en l’espèce. ». En l’espèce, la plaignante n’ayant pas contredit le RAD, ce RAD est suffisant pour établir la matérialité des faits. L’infraction est dès lors établie.

Toutefois, il ressort des différents rapports d’information que la situation est extrêmement tendue sur la section de la plaignante. Le contexte de harcèlement et d’agressions qu’elle évoque est établi, puisque c’est d’ailleurs le détenu D. qui en fait les frais à la place de la plaignante.

En outre, les propos repris dans le RAD du 20 mai 2024, selon lesquels la plaignante « se déguise en femme », démontrent que sa transidentité n’est pas prise en compte par les agents. D’ailleurs, les faits ont été initiés par le fait que l’agent s’est rendu auprès de la plaignante afin de lui demander de « cesser de se déguiser ». En effet, le RAD relate que « cela fait déjà quelque temps que le détenu [la plaignante] trouble la tranquillité du bloc. Il se déguise en femme, et pour éviter d’être moqué, il raconte qu’il séjourne à la cellule XX » (…). « Je suis allé trouver Mr [la plaignante] pour qu’il cesse de causer des problèmes à tout le bloc en se déguisant et en racontant n’importe quoi. ». Ces propos démontrent à suffisance que l’agent en question ne prend pas en considération sa condition de personne transgenre.

A cet égard, la DGEPI a publié un certain nombre de recommandations à l’attention des établissements pénitentiaires, concernant la prise en charge des personnes transgenres détenues. Ce document précise : « le présent document contient un certain nombre de recommandations concernant la prise en charge des personnes transgenres détenues que tout travailleur professionnel des établissements pénitentiaires est tenu de respecter » .

Les principes de base suivants y sont énoncés :

 « Toute personne en détention doit être traitée équitablement et sur un pied d’égalité, sans discrimination ou harcèlement fondé sur le sexe, le changement de sexe, l’identité de genre, l’expression de genre et les attributs sexuels – ce conformément à la législation anti-discrimination.
 Toute personne transgenre, indépendamment de son statut médical ou juridique, doit être traitée avec respect et équité.
 Un détenu transgenre est en principe traité de la même manière que les autres détenus et bénéficie du régime standard. Toutefois, une évaluation des besoins spécifiques est à réaliser en ce qui concerne l’identité de genre et l’éventuel changement de genre.
 Tout détenu transgenre doit être traité de manière professionnelle, dans le respect de son identité de genre, du prénom et de la civilité (choisis) (il/elle/iel, iel/ellui, son/sa/san/saon,...). » .

Ces recommandations rappellent également que : « Une attention accrue doit être portée par le personnel pénitentiaire aux besoins et demandes spécifiques de la population transgenre lors de l’accueil et dans la suite de la détention, eu égard au risque accru d’automutilation et de tentative de suicide, ainsi qu’aux risques pour l’intégrité physique de la personne transgenre en raison des réactions d’autres détenus. ».

Le RAD du 20 mai 2024 témoigne dès lors d’une non prise en considération par les agents de la transidentité de la plaignante et des recommandations de la DGEPI puisqu’il considère que la plaignante « se déguise en femme ».
Or, selon l’article 143 de la loi de principes, pour déterminer la nature et le degré de la sanction disciplinaire, il est tenu compte de la gravité de l'infraction, des circonstances dans lesquelles elle s'est produite, des circonstances atténuantes et des mesures provisoires qui ont été éventuellement imposées.
Dans cette mesure, la Commission des plaintes estime que la direction n’a pas suffisamment pris en compte, dans le cadre de sa sanction, le contexte dans lequel se sont déroulés les faits, notamment la non prise en considération de sa transidentité par les agents et le contexte de provocations et de harcèlement que subit la plaignante en raison de son genre.
En effet, bien que la plaignante ne conteste pas les propos tenus, elle se situe dans un contexte de tensions tel que cet élément aurait dû être pris en compte dans le cadre de la sanction.

Certes, un tel contexte ne justifie pas de tenir de tels propos injurieux et menaçants à l’égard d’un agent, raison pour laquelle une sanction est justifiée, mais tenant compte de l’ensemble des éléments qui précèdent et en vertu de l’article 143 de la loi de principes, la Commission des plaintes estime que la sanction est déraisonnable et la réduit à une durée de 5 jours.
Pour ces raisons, la plainte est partiellement fondée. Il y a lieu d’annuler partiellement la sanction disciplinaire et de réduire cette sanction à une durée de 5 jours.
La Commission des plaintes dit que sa décision se substitue à la décision annulée et demande à la direction d’adapter le registre disciplinaire du plaignant conformément à la présente décision.