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CA/22-0100

Ongegrond Commission d'appel Beroepscommissie Tucht
DISCIPLINAIRE - DROITS DE LA DEFENSE - DROIT D'ETRE ENTENDU - ASSISTANCE AVOCAT

L’article 144, § 4, de la loi du 12 janvier 2005 de principes concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus confère au détenu, pendant la procédure disciplinaire, le droit de se faire assister par un avocat.

Le respect des droits de la défense est un principe général de droit qui est d’ordre public et qui s’impose à toute autorité administrative statuant en matière disciplinaire.

Par conséquent, il appartient à la direction de tout mettre en œuvre pour s’assurer, dans la mesure du possible, de la présence effective du conseil de l’intimé à l’audition prévue.

Selon la lettre collective n°124, le détenu qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire doit, en toutes circonstances, pouvoir faire appel à l’assistance d’un avocat. Le personnel est tenu de lui donner la possibilité
de le faire, par le moyen le plus rapide : téléphone, fax,…

La remise de la date à laquelle l’audition est prévue doit pouvoir être autorisée lorsque le directeur estime que la raison invoquée est sérieuse. Compte tenu de l’importance de l’assistance d’un avocat dans le cadre des droits de la défense, il est préférable d’accorder une courte remise si elle est de nature à permettre à l’avocat d’être présent en renvoyant dans le procès-verbal d’audition aux circonstances concrètes qui ont donné lieu à la remise (ex. la demande de remise de l’avocat). Il est par ailleurs toujours possible de réexaminer le dossier et de faire l’audition pour autant que cela s’indique en raison des circonstances de l’affaire (gravité des faits, sévérité de la sanction, situation de tension particulière du détenu,…)

En l’espèce, si la direction a régulièrement convoqué le conseil de l’intimé, elle n’a cependant pas tout mis en œuvre pour assurer sa présence effective lors de l’audition disciplinaire de son client.
Le 10 mai 2022, le conseil de l’intimé est convoqué pour une audition disciplinaire le lendemain.
Le même jour, le conseil de l’intimé sollicite le report de l’audition au jour d’après celui initialement prévu, soit
le 12 mai 2022, ce qui sera accepté par la direction.

L’intimé n’est toutefois pas au courant de cette demande de remise de son conseil avant le jour même de l’audition. L’intimé explique qu’il a souhaité être entendu immédiatement, pour ne pas devoir rester un jour de plus au cachot.
Or, la direction n’avait aucune obligation de maintenir le plaignant au cachot jusqu’à son audition disciplinaire, ce qui n’est d’ailleurs pas requis par la loi de principes.

De plus, l’intimé explique qu’il n’a pu contacter son conseil, en raison de son enfermement en cellule sécurisée. La Commission d’appel constate que la direction ne dit rien sur ce point, ni devant la Commission des plaintes,
ni dans son recours devant la Commission d’appel.

Quand bien même la direction estimait que le maintien de l’intimé au cachot était nécessaire - quod non – elle aurait dû alors prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’intimé puisse contacter son conseil, et ce, avant de l’auditionner.

La Commission constate avec surprise que les propos mentionnés dans le dossier de défense initial du directeur déposé dans le cadre de la procédure introduite devant la Commission des plaintes, contient des informations erronées et qui diffèrent du recours introduit devant la Commission d’appel. En ce faisant, la direction n’a pas donné les informations exactes à l’intimé.

De plus, le chef d’établissement explique qu’il est en Belgique depuis quatre ans, et comprend suffisamment le français pour vociférer des insultes aux agents, comme en attestent les rapports aux directeurs. Le rapport d’audition disciplinaire atteste qu’il comprend et se fait comprendre en français, même s’il ne maitrise pas totalement la langue. Le dossier de défense constitué devant la Commission des plaintes précise néanmoins : « il est vrai que
Monsieur s’exprime avec un accent. A certains moments, j’ai eu des difficultés à le comprendre mais je lui ai demandé de réexpliquer afin de me permettre de comprendre ce qu’il disait et ai reformulé pour être certaine d’avoir bien compris. J’ai fait de même lorsqu’il ne comprenait pas ce que je disais ».

La direction invoque le document signé par l’intimé selon lequel il accepte d’être auditionné sans l’assistance d’un avocat.
Dans les circonstances de la cause, il n’est pas certain que l’intimé ait pu comprendre la situation de sorte qu’il ne peut être considéré qu’il ait renoncé, consciemment et librement, à être assisté par un avocat, en raison
du fait qu’il a demandé d’être auditionné le jour-même (pour ne plus rester en cellule sécurisée, et parce qu’il n’était pas informé de la convocation de son conseil, et de sa demande à reporter l’audition).

Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, en procédant à l’audition de l’intimé sans son avocat et sans un interprète (en lui donnant des informations erronées et/ou incomplètes, et en le privant de pouvoir le contacter, et ce, alors qu’il éprouvait des difficultés à s’exprimer en français), la direction a méconnu le respect de l’article 144, §5 et §7 de la loi de principes, et a violé, de manière globale, les droits de la défense de l’intimé.